
Un film qui nous en dit plus sur la personnalité de son réalisateur. © Shayne Laverdière
Grand ado, Xavier Dolan écrivit une lettre à Leonardo DiCaprio. La star du Titanic ne daigna point répondre. Rupert fait de même avec une autre star, John F. Donovan.
Aller-retour entre présent et passé
Surprise, John répond au gamin et débute ainsi avec lui un échange épistolaire digne du 19e siècle. Rupert a un rêve : devenir comédien. Sam, sa mère, actrice ratée, essaie de l’en dissuader. Quant au collège qu’il fréquente, ses aspirations artistiques lui valent de quolibets homophobes qui pourraient le déstabiliser.
Le temps a passé. La séquence liminaire du dernier opus de Xavier Dolan nous présente Rupert dans une vingtaine flamboyante, gay assumé et répondant à une journaliste venue l’interviewer sur cette fameuse relation exclusivement écrite avec John, récemment décédé.
Tout le film va être un aller-retour permanent entre le bistrot dans lequel se déroule l’entretien et un passé qui va nous dévoiler la passion, voire l’addiction de Rupert jeune pour John et, bien sûr, la vie de John lui-même.
Biopic en creux du réalisateur
Formidablement virtuose, ce va-et-vient nous dévoile en creux une sorte de biopic du réalisateur, biopic dans lequel il nous parle des relations mère-fils, de l’homophobie, de la difficulté d’être gay dans le milieu du cinéma.
Il nous parle aussi de cinéma tout court, de ce dangereux miroir aux alouettes n’hésitant pas à lâcher d’un moment à l’autre la plus illustre des stars pour des raisons financières.
Tous les comédiens sont à saluer
A ce titre la séquence avec l’agent de John est un vrai monument que je vous laisse découvrir, dans le rôle Kathy Bates est époustouflante. A vrai dire, tous les comédiens sont à saluer pour leur performance, que ce soit Susan Sarandon, la mère de John, Natalie Portman, celle de Rupert, Ben Schnetzer, Rupert adulte.
Kit Harington, héros de Games of throne
Mais il est clair que Jacob Tremblay et Kit Harington monopolisent l’écran. Le premier cité incarne avec une puissance de jeu sidérante Rupert jeune. Sa confrontation avec sa mère est tout simplement incroyable. Comment un gamin de 12 ans peut-il vous prendre ainsi à la gorge et incarner à ce point le désarroi et la colère ?
Face à lui, si l’on peut dire, dans la mesure où les deux personnages ne se sont jamais rencontrés, rien moins que la vedette intergalactique de Game of Thrones, l’indéboulonnable Jon Snow de Kit Harington, ici John surfant dangereusement entre sa véritable identité et sa notoriété.
Au cœur des obsessions de Dolan
Si tout cela nous plonge au cœur des obsessions de Xavier Dolan, c’est avant tout une déclaration d’amour au cinéma que le réalisateur nous offre ici, une déclaration pleine de sensibilité et de réalisme. Pour les fans de ce cinéaste, c’est aussi un nouveau regard qu’il nous propose, peut-être plus ambitieux, mais toujours aussi émouvant.
Robert Pénavayre